Lab'AF - Laboratoire d'anthropologie filmée
Musée des Arts et Métiers - CNAM
Christian Lallier
Mélodie Drissia tabita
Christian Lallier
Mélodie Drissia Tabita
Christian Lallier
Yves Winkin
Directeur directeur de la culture scientifique
et technique du Cnam
Nathalie Giuliana Peyrard
Christian Lallier - Lab'AF
A priori, Le monde des objets de Monsieur Chazoule ne correspond pas à la démarche de l'anthropologie filmée qui repose sur l'observation filmée des interactions sociales. A priori, seulement... La relation aux objets procède également d' interactions sociales, en tant qu'elle est investie par des formes de représentation de telle sorte que l'objet symbolise un attachement, une appartenance, une reconnaissance ou au contraire un regret, un manque, une absence... Or, ce qui caractérise l'anthropologie filmée ce n'est pas tant sa méthode d'observation que son champ de recherche : la fonction symbolique produit par les interactions sociales... ou comment les humains ont besoin de (se) fabriquer un monde habitable pour vivre dans un environnement. C'est l'attention pour ce rapport au monde qui fonde l'anthropologie filmée : c'est en cela que les films documentaires de cette démarche s'attachent à rendre compte de l'espace politique produit par un dispositif technique ou, pour le dire autrement, à ce que produit le travail des relations sociales. C'est précisément cet "espace potentiel" entre Monsieur Chazoule et les objets que vise à décrire ce documentaire ou, plus exactement, à en faire le récit...
En effet, la rencontre avec Monsieur Chazoule eu lieu lors de son départ à la retraite, de sorte que le travail qu'il convenait d'observer c'était celui de la mémoire, de la fabrication de l'histoire... des événements dont on se souvient et qui donne à l'existence sa forme narrative. De fait, il s'agissait d'observer comment Monsieur Chazoule produisait ce récit par lequel il donnait à comprendre sa relation aux objets. Pour le dire autrement, ici, le travail des relations sociales se manifestait par le travail de la relation aux objets : l'observation filmée consistait donc en une disposition à percevoir ce qui se jouait entre Monsieur Chazoule et les objets afin de rendre compte du monde habité par ce restaurateur dans les couloirs et les réserver du Musée. Dès lors, l'observation filmée des interactions sociales devenait le cadre même du rapport filmant-filmé, en tant que Monsieur Chazoule s'adressait à la caméra et à nous qui le suivions...
Pendant près de quarante ans, Jean-Luc Chazoule a été restaurateur au Musée des arts et métiers, à Paris. Il travaillait à « sauver des objets » selon son expression.
Jean-Luc Chazoule n’avait jamais raconté ce qu’avait été son métier, ses manières de faire, ses tours de main, acquis par ses longues années d’expérience. Nous l’avons laissé nous entraîner à la découverte des objets qu’il a restaurés pour que revienne à sa mémoire ce que fut l’exercice de son art.
Cet artisan de l’ombre était un amoureux du travail bien fait, celui que l’on conduit jusqu’au bout en prenant le temps nécessaire. Cela lui faisait mal de voir les objets se dégrader, qu’ils soient modestes ou royaux, simples machines-outils ou prestigieux automates. Les objets restaurés devenaient des êtres proches, qu’il devait protéger et rassurer.
Le film nous entraîne dans le monde des objets de Monsieur Chazoule, un contre-monde du Musée des Arts et Métiers dont il a été le gardien et qui s’est achevé avec lui.
Pour réaliser ce personnage, Jean-Luc Chazoule a transformé un bout de bois en une statuette qui s'anime par une mécanique horlogère. Son regard témoigne de toute l'attention qu'il porte à ses objets avec lesquels il partage un monde. Selon l'analyse de l'anthropologue Bruno Latour, sur le culte des dieux modernes, on pourrait sans doute désigner ce personnage comme un faîtiche...
Le monde des objets de Monsieur Chazoule
A propos de... l'anthropologie filmée